OTTAWA — La police a continué de repousser pour une deuxième journée d’affilée les manifestants antigouvernementaux dans les rues du centre-ville d’Ottawa.
En conférence de presse, samedi après-midi, le chef intérimaire du Service de police d’Ottawa, Steve Bell, a indiqué que les policiers avaient fait usage d’une plus grande force à l’endroit des manifestants parce qu’ils ont fait face «à un barrage de résistance.»
«Je suis monté à ce podium au cours des cinq derniers jours pour implorer ces gens à s’en aller. L’occupation est terminée», a-t-il lancé.
Steve Bell a mentionné que 47 nouvelles arrestations avaient été effectuées samedi, portant le total à 170 depuis le début de l’opération policière. Selon la police, 46 véhicules ont quitté le centre-ville d’Ottawa depuis vendredi, et 53 autres ont été remorqués.
Selon le chef Bell, des manifestants auraient bousculé des agents et les auraient insultés.
Les policiers doivent porter des casques et se sont armés de matraque.
Le Service de police d’Ottawa a déclaré avoir déployé des armes à impact de moyenne portée (ARWEN), qui ont été utilisées samedi soir. Il a indiqué que l’utilisation des armes ARWEN était justifiée pour arrêter les « actions violentes des manifestants ».
La police a déclaré à La Presse Canadienne qu’elle n’était au courant d’aucune blessure signalée.
Dès samedi matin, les policiers se sont approchés du cœur où ces manifestants s’étaient retranchés depuis la fin de janvier. Ils ont fait usage de matraque pendant que la foule retraitait en scandant «Honte» et «Liberté». Un fort cordon policier a notamment dégagé la rue Wellington jusqu’à la rue O’Conner.
Le Service de police d’Ottawa affirme avoir arrêté des manifestants qui portaient des gilets pare-balles et transportaient «des grenades fumigènes et autres feux d’artifice». De tels équipements ont été retrouvés dans un véhicule stationné tout près de l’affrontement.
Il a aussi déclaré sur Twitter que les manifestants «continuaient d’être agressifs et de s’en prendre aux officiers». Ils refusent d’obtempérer aux ordres de se déplacer. Le SPO reconnaît avoir fait usage «d’un irritant chimique pour la sécurité des agents».
Les affrontements se sont déroulés après que la police eut ordonné aux manifestants de se disperser.
En conférence de presse, Tom Marazzo, un porte-parole autodéclaré des manifestants, a dit que les camionneurs étaient prêts à s’en aller si les policiers retiraient les obstacles afin d’aller faire le plein de carburant. Il a indiqué que les autorités ne lui avaient pas répondu.
«Nous avons choisi de nous retirer pacifiquement des rues d’Ottawa. On n’a rien à gagner à être brutalisés par la police. Nous allons nous regrouper comme un mouvement populaire.»
Toutefois, plusieurs centaines de manifestants ne donnaient aucun signe de vouloir se retirer en fin d’après-midi. Ces protestataires faisaient face à plusieurs rangées de policiers au sud de la rue Wellington. La foule tentait de se regrouper devant les lignes policières.
Un individu fuyant les lieux dit avoir été aspergé de poivre de Cayenne dans les yeux, La Presse Canadienne a aperçu de la fumée, mais ne peut préciser si le gaz avait été lancé par des manifestants ou des policiers.
Les interventions musclées des forces policières semblent avoir surpris des manifestants. «On a été paisible pendant trois semaines, et voici que les policiers agissent ainsi», se lamentait Valérie, les larmes aux yeux, qui a refusé de dévoiler son nom.
Pendant ce temps, les députés ont repris le débat sur l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence. L’action policière a incité le Service de protection parlementaire à limiter les mouvements entre les différents édifices parlementaires. Il a toutefois indiqué que le Parlement n’avait pas été placé en confinement. Le personnel est en place pour gérer la situation.
Comparutions
Une des organisatrices de la manifestation, Tamara Lich, arrêtée jeudi et accusée d’avoir conseillé à autrui de commettre un méfait, restera derrière les barreaux au moins jusqu’à mardi.
Lich a comparu samedi devant la juge Julie Bourgeois de la Cour de l’Ontario, pour son enquête de remise en liberté. Celle-ci a annoncé qu’elle rendra sa décision mardi.
Son mari, Wayne Lich, a témoigné pour dire qu’il était venu à Ottawa à bord d’un vol privé. Le voyage aurait coûté 5000$, mais la somme a été versée par «un homme très aimable» qu’il ne connaît pas vraiment.
Il a surpris la juge lorsqu’il a dit que le droit de manifester était protégé par le premier amendement qui, dans les faits, n’existe pas.
Mme Bourgeois l’a d’ailleurs interrompu: «Premier amendement? C’est quoi ça?»
M. Lich a répondu qu’il ne suivait pas la politique et voulait simplement s’assurer que sa femme est en sécurité.
Tamara Lich portait un couvre-visage dans le box des accusés d’une cour d’Ottawa. Elle dit vouloir retourner en Alberta avec son mari et ses enfants. Elle est prête à verser une caution de 5000$, le maximum qu’elle dit pouvoir se permettre. Elle a promis de quitter Ottawa et de renoncer à être une porte-parole de la manifestation.
Pat King, un autre des principaux organisateurs, devra patienter jusqu’au début de la semaine prochaine pour sa comparution.
Le Service de police d’Ottawa a indiqué que King fait face à des accusations de méfait, d’avoir conseillé à autrui de commettre un méfait, d’avoir désobéi à un ordre de la cour et d’avoir conseillé d’entraver le travail de policer.
King a filmé sa propre arrestation sur Facebook, vendredi.
Il est l’un des plus de 100 personnes arrêtées vendredi à la suite des opérations policières visant à déloger les manifestants qui paralysent le cœur de la ville d’Ottawa depuis près de quatre semaines.
Un autre organisateur, Chris Barber, avait également été mis en état d’arrestation. Il fait face aussi à des accusations d’avoir conseillé à d’autres personnes de commettre un méfait, de désobéir à une ordonnance du tribunal et d’entraver le travail de la police.
Une juge de la Cour de justice de l’Ontario a déclaré vendredi soir qu’une caution pouvait être accordée à M. Barber. La juge Julie Bourgeois l’a libéré moyennant une caution de 100 000 $ et aux conditions qu’il quitte l’Ontario avant le 23 février, qu’il n’appuie pas publiquement le convoi et qu’il n’ait aucun contact avec les autres principaux organisateurs de la manifestation.
King, Lich et d’autres organisateurs du soi-disant «convoi de la liberté» ont également vu un gel temporaire de leurs comptes bancaires – y compris les fonds en bitcoins et en cryptomonnaie – à la suite d’une décision de la Cour supérieure de l’Ontario jeudi.
Stephanie Taylor, Michael Blanchfield et Erika Ibrahim, La Presse Canadienne