MONTRÉAL — Plusieurs experts déplorent que le réseau de la santé québécois n’ait pas encore les ressources nécessaires pour soigner adéquatement les cas de COVID longue.
Le Dr Alain Piché, qui dirige à Sherbrooke l’une des trois cliniques publiques ambulatoires post-COVID, se demande combien de patients souffriront longtemps des symptômes de la maladie.
«Cela dépasse grandement les capacités déjà affaiblies de notre système de santé», plaide-t-il. La liste d’attente de sa clinique s’accroît quotidiennement.
La Dre Émilia Liana Falcone, directrice d’une unité de recherches à l’Institut de recherches cliniques de Montréal, dit que 12 semaines seront nécessaires avant de donner une évaluation juste du nombre de patients qui souffriront de la COVID longue après avoir contracté le variant Omicron.
«C’est alors que nous saurons si le système de santé serait capable de les soigner tous. Nous saurons le nombre de patients qui auront des complications», avance-t-elle.
Les docteures Laura Caspin et Audrey Ouaknine travaillent dans une clinique du nord de Montréal. Selon elles, les services offerts aux gens souffrant des symptômes longs ne répondent pas à la demande.
«Si la gestion de la COVID longue et des services disponibles demeure aussi limitée qu’ils le sont aujourd’hui, cela prendra une éternité pour régler cela», soutient la Dre Ouakine.
Sa collègue est déçue de constater que les patients doivent encore obtenir des renseignements sur leur condition en consultant l’internet, deux ans après le début de la pandémie.
«Le système de santé est toujours submergé. C’est pourtant quelque chose dont tous ont besoin d’être informés, mais c’est mis de côté», déplore la Dre Caspin.
L’administratrice en chef de la santé publique, la Dre Theresa Tam, a indiqué en juillet queplus de la moitié des personnes atteintes de COVID-19 pourraient souffrir de symptômes post-COVID, notamment des pertes de mémoire, de la fatigue extrême, des douleurs généralisées ou des insomnies, pendant plus de trois mois après avoir reçu un résultat de test positif.
Au Québec, jusqu’à deux millions de personnes pourraient avoir été infectées par le variant Omicron de la COVID-19, selon les autorités sanitaires de la province.
Claudia Hébert est une de ces patientes qui souffrent de la COVID longue. L’étudiante en médecine vétérinaire à l’Université de Montréal a dû abandonner ses cours à cause des migraines et de ses pertes de mémoire.
«C’était mon rêve d’enfance de devenir une vétérinaire et j’étais sur le point de le réaliser, dit-elle. Aujourd’hui, si on me demande ce que j’ai mangé hier, je ne m’en souviens plus. Je suis devenue une handicapée.»
Plusieurs patients ont développé des problèmes cardiaques ou respiratoires sérieux à cause de la COVID. Ils auront besoin de soins spécialisés pendant plusieurs années, ce qui pèsera lourd sur le fardeau du système de santé, craint le Dr Piché.
Le ministère de la Santé n’a pas donné de détails sur ses plans pour aider les patients ayant des symptômes persistants.
«Une réorganisation des services sera mise en place afin d’aider les gens souffrant de la COVID longue. Des précisions sur le déploiement de cliniques multidisciplinaires seront annoncées en temps voulu», a récemment écrit une porte-parole, Marie-Hélène Émond, dans un courriel.
Virginie Ann, La Presse Canadienne