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Des organismes veulent limiter le pouvoir des conjoints violents sur leurs enfants

Clara Descurninges, La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Plusieurs organismes de défense des victimes de violence conjugale ont réclamé mardi des amendements dans la réforme de la Loi sur la protection de la jeunesse, pour limiter le pouvoir du conjoint violent sur ses enfants.

Ils souhaitent entre autres que la définition de ce type de violence comme une forme de «contrôle coercitif» soit incluse dans la législation.

«La loi de la protection de la jeunesse doit clairement stipuler aussi que parce qu’on est dans un contexte de contrôle coercitif, il y a des impacts sur les enfants, et bien sûr également sur les mères», a précisé la directrice de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, Manon Monastesse, lors d’une conférence de presse virtuelle.

Ainsi, cette violence serait un motif valable pour refuser d’accorder la garde des enfants au conjoint.

Le projet de loi 15, déposé en décembre dernier par le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, a été créé dans le sillage du rapport de la commission Laurent, elle-même mise sur pied après le décès d’une fillette à Granby, en 2019, causé par les abus qu’elle avait subis de la part de son père et de sa belle-mère.

Nulle part dans le texte il n’est question de violence conjugale.

«Lors des consultations particulières, plusieurs groupes nous ont parlé du problème de la violence conjugale et des répercussions néfastes pour le développement de l’enfant, mais également les dangers pour sa sécurité», a indiqué par courriel le cabinet de M. Carmant.

«Le ministre l’a dit clairement, il y aura des éléments concernant la violence conjugale qui seront introduits dans le PL 15. C’est une question qui nous préoccupe et qui doit être prise en considération si on veut éviter des drames.»

Les abuseurs toujours en contrôle

«La Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) et les tribunaux vont souvent prendre des décisions problématiques ou dangereuses dans des cas de violence conjugale», a affirmé la chercheuse en droit Suzanne Zaccour, présente à la conférence de presse.

Soit on ne croit pas la femme et on considère qu’il s’agit seulement d’un conflit de séparation, soit «on croit la femme, mais on trouve que la question de la violence conjugale, ce n’est pas pertinent, car cela n’affecte pas l’enfant», a-t-elle expliqué.

Dans ces deux cas, on a tendance à accorder la garde partagée, ce qui permet non seulement à l’abuseur de rester en contact avec sa victime, mais aussi de mettre leur enfant en situation de danger.

Mme Monastesse a souligné que le manque de connaissances ne concerne pas que les juges: «Concrètement, sur le terrain, ça demande que les intervenants de la protection de la jeunesse soient mieux formés en ce qui concerne la violence conjugale, ses impacts et ses manifestations sur les mères, mais également sur les enfants.»

«Il faut travailler au meilleur intérêt de l’enfant, et en ce moment, c’est plus pour l’intérêt des pères», a renchéri la présidente du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, Chantal Arseneault.

«Pourquoi la violence conjugale post-séparation n’est-elle pas reconnue, alors que les conjoints violents continuent leur contrôle coercitif après la séparation et vont souvent utiliser les enfants comme courroie de transmission?», s’est-elle interrogée.

Des avancées jugées inégales

En novembre dernier, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité le projet de loi du gouvernement sur la création d’un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale.

D’autres projets sont en cours de travaux, dont celui sur la réforme du droit de la famille, qui «prévoit la prise en considération, dans la détermination de l’intérêt de l’enfant, de la présence de violence familiale dans son milieu» et «précise que la présence de violence familiale fait partie des éléments à considérer par le tribunal lors d’une demande de déchéance de l’autorité parentale». Le document ne précise pas si cela s’applique aussi dans les cas où la violence est dirigée seulement vers l’un des deux conjoints, ou dans les cas où la violence n’a été remarquée qu’avant la séparation.

Le 2 février dernier, la vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a déposé un projet de loi sur l’implantation d’un système de bracelets antirapprochement, pour empêcher les ex-conjoints violents de se trouver dans un certain rayon de leur victime. Un premier projet-pilote devrait voir le jour au printemps.

Ben que les organismes présents à la conférence de presse saluent ces avancées, ils déplorent le manque de plan général. «Il faut vraiment arrêter de travailler en silo», a plaidé Mme Arseneault. 

«Il faut tenir compte de l’ensemble des tribunaux, comme la violence conjugale, ça touche toutes les sphères de la vie des mamans et des enfants», a-t-elle ajouté.

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Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.

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